jeudi 17 février 2011

Quo vadis Maecenas ?

Plaidoyer pour un cadre fiscal et législatif du mécénat belge.
Ce texte a été écrit dans le cadre de mon intervention au Colloque organisé au Sénat de Belgique par le Mouvement Réformateur sous le titre "L'Argent, le nerf des Musées", le 30 mars 2009.

Où vas-tu Mécène ? Le mécénat est-il un moyen de répondre à la problématique financière que rencontrent aujourd’hui les musées, et plus généralement la culture ? Poser la question revient à y répondre, surtout de nos jours, alors que s’écroulent les certitudes du monde financier et que se repose la question même d’un nouveau capitalisme fondé sur plus de responsabilité et d’éthique.

Comment les musées vont-ils pouvoir répondre aux exigences de leur propre existence alors que, laissés-pour-compte traditionnels des budgets de l’Etat, leurs alliés objectifs que constituaient, avec peine déjà, les grandes institutions financières sont aujourd’hui sur le flanc ? L’Etat ne peut pas rester sans réponse à cette épineuse question. Il a donc la responsabilité de légiférer pour décadenasser le mécénat resté trop longtemps sans cadre fiscal propre, sorte d’hybride légal peu attractif, à mi-chemin entre don, libéralité et promotion.

Cependant, consécutivement à la crise financière en cours, et depuis longtemps déjà, il apparaît que l’Etat belge (sous toute forme quelconque, disons « la puissance publique ») ne peut plus faire face, seul, à la nécessité de supporter financièrement l’initiative culturelle, en général, la politique muséale, en particulier.

Paradoxalement, l’échec chronique du travail législatif fédéral montre qu’un blocage structurel caractérise l’attitude de l’Etat dans sa volonté de favoriser ce mécénat ; ce blocage semble être tenace et pourrait être résumé trivialement par le célèbre : « je voudrais bien mais je ne peux point ».
Cinq propositions de loi, tant à la Chambre qu’au Sénat, restent, à ce jour lettres mortes.

Quelles sont les raisons de ce blocage, alors même qu’il est urgent, financièrement, de trouver une solution au problème de financement des musées, problématique accrue par la crise, à l’endroit des musées belges, qu’ils soient fédéraux, ou sous tout autre statut régional, communautaire, provincial, communal ou associatif ?

Rappelons par ailleurs que toute disposition législative et fiscale favorable au mécénat, prise par le législateur fédéral, concourra incontestablement à l’amélioration des modes de financements alternatifs (dont le mécénat est un aspect) au profit de toutes autres institutions muséales, en Communautés et Région (CFWB, Communauté germanophone et Région flamande).

Un peu d’histoire : musée et mécénat

Le mécénat est pourtant, historiquement et intrinsèquement, lié à la nature et à la fonction même du Musée. Un musée ne peut, en effet, se développer sans la notion de don, d’acte gratuit, de libéralité. Les différents modes d’acquisition à titre gratuit, non onéreux, (donation,  legs, dépôts,…) constituent d’ailleurs la grande majorité des modalités de collecte des œuvres conservées dans nos musées, et ce depuis l’origine.

En 1793, au lendemain de l’ouverture du Museum, l’ancêtre du Musée du Louvre, l’Etat est devenu le mécène hégémonique et monopolistique du Musée. Les idéaux démocratiques triomphant suite à la Révolution française, font de l’Etat le dispensateur des richesses artistiques au profit de la société.  La création du musée par l’Etat se fait alors dans une perspective d’éducation au goût, d’instruction publique et de délectation du citoyen, sur fond de démocratisation de l’accès à la culture. Cette culture est désormais confisquée aux puissants de l’Ancien Régime qui avaient constitué ces réserves précieuses que constituait le cabinet de l’amateur de curiosité, hérité de l’humanisme et des Lumières. L’Etat organise désormais seul le musée, ses collections (la collecte se faisant d’ailleurs de gré ou de force, dans le cadre d’une colonisation galopante). Par la création d’instituts, d’académies et de société savantes aux mains du pouvoir central, l’Etat dirige les études, la conservation et la mise en valeur du patrimoine muséal.

Dans la seconde moitié du 19ème siècle, l’Etat va devoir partager sa fonction de mécène absolu avec un autre acteur: le grand bourgeois industriel. Il s’agit là de la première brèche dans le « tout à l’Etat ».
Jaquemart - André, Guimet, et plus tard Rockefeller, Rothschild, deviennent, eux aussi, fondateurs de musées prestigieux, léguant à la collectivité leurs fabuleuses collections privées, dans un but désintéressé, en dehors de leur propre postérité.

En Belgique, de nombreuses familles industrielles souhaitent également, à l’image du Mécène antique, inscrire leur nom dans l’histoire : il s’agit des Warocqué, Solvay, Maus, Stoclet, Cockerill, Le Bœuf, … mais aussi Saxe Cobourg. Car, ne l’oublions pas, la famille royale fut sans doute la première force du mécénat belge, en termes d’apports financiers, au 19ème siècle, à travers la figure emblématique de Léopold II notamment.
Ce type de mécénat existe toujours dans l’Europe d’aujourd’hui, à travers des noms comme : Pinault, Arnault, Bergé, Frère, Bettencourt, etc...
Bien souvent, ce mécénat, fondé sur un nom, s’accompagne cependant de la volonté de positionner une entreprise derrière ce nom.

Car à partir de la deuxième moitié du vingtième siècle apparaît le mécénat d’entreprise qui trouve son origine, où qu’il s’exerce en Europe, dans des dispositions fiscales attractives.

Si ces dispositions fiscales existent dans la majorité des pays du monde, en Europe en particulier, force est de constater aujourd’hui que notre pays est un des derniers de la classe européenne en matière de mécénat, faute de cadre légal.

Alors que les caisses de l’Etat sont mises à contribution par le sauvetage de vecteurs clés de l’économie, la création ou non d’un cadre fiscal attractif n’est plus une question de posture politique, mais bien une absolue nécessité qui nécessite un véritable consensus. Il faut donc d’urgence une alliance du monde politique autour de ce projet législatif, un véritable mouvement d’unité nationale, au chevet de l’initiative et de l’entreprise culturelle.

Les causes du blocage sont multiples : analyse

Les causes philosophico-politiques

Si l’on analyse le soutien financier à une activité de la société (sociale, culturelle, environnementale, sportive), on arrive à la conclusion que ce soutien peut prendre deux formes distinctes : une forme collective, la subvention d’Etat, ou une forme individuelle, le mécénat, notamment.
Cette double approche, antinomique, explique la profonde méfiance qui entoure le mécénat en Belgique dans son approche politique et donc législative.

Subvention et mécénat ; deux visions de philosophie politique antinomiques.

Le « tout à la subvention », càd le « tout à l’Etat », relève d’un dogme d’origine platonicienne qui consiste à dire que l’intérêt général est exclusivement affaire de pouvoirs publics. Les maux du corps social et les améliorations qu’il conviendrait d’y apporter sont de l’ordre des prérogatives du collectif et non de l’individu. Dans cette approche collective, l’entreprise commerciale encline au mécénat apparaît comme agent exclusivement économique, ainsi que celle du mécène individuel comme citoyen suspect d’intérêt personnel ou de narcissisme.

Par opposition à cette vision collective naît une vision ponctuelle, (surtout dans le monde anglo-saxon), plaçant le citoyen dans un rôle et une mission individuels au cœur de la société suivant l’adage : « j’agis immédiatement là où je me trouve, librement et sous la seule motivation d’apporter ma pierre à l’édifice du corps social ». Entrepreneuriale ou individuelle, cette action portée par une entreprise ou un individu peut s’illustrer à travers le mécénat.

Curieusement, alors que le mécénat serait donc un acte libre, par essence, voilà que légiférer, càd donner à l’Etat la responsabilité de fixer un cadre légal approprié, apparaît comme la seule et paradoxale solution. L’Etat devrait donc enfanter d’un système qui le dépossède de sa puissance d’intervention, l’action collective se sabordant au profit de la détermination individuelle.

Alors que le mécénat devrait donc être conçu comme une forme particulière de partenariat entre le public et le privé, renforçant les liens du tissu social entre partenaires qui n’ont pas l’habitude de se rencontrer autour de projets qui leur sont chers, en Belgique, le mécénat est vécu comme une confiscation, par l’individu ou par l’entreprise, de l’initiative culturelle collective, puisque en l’absence de toute incitation fiscale favorable au mécénat, seul le système de la subvention d’Etat prévaut. Force est de constater que ce système revient à confier à l’Etat le droit de prélever l’impôt et de redistribuer l’argent sous forme de subvention, sans toujours se soucier des choix du contribuable.

Même s’il n’est pas question de plaider pour une disparition du système de la subvention, il est grand temps de faire pousser cette deuxième branche que constitue le mécénat, structuré fiscalement, sur l’arbre de la production et du soutien de l’initiative culturelle.
A vrai dire, on peut constater qu’une analyse historique de la production culturelle depuis la Renaissance montre qu’il y a une dialectique, un mouvement de balancier, entre les deux pôles, collectif et individuel, du soutien financier, suivant la conjoncture économique. Tantôt, l’individu vient au secours de la collectivité, tantôt la puissance publique organise l’intérêt individuel autour de la culture. Notre actualité économique, en Belgique et dans le monde, appelle donc un sursaut du législateur à l’endroit du mécénat.


Les causes anthropologiques, émotionnelles du blocage : le mécénat objet de toutes les suspicions.

Pourquoi le mécénat n’est-il pas toujours bien accepté, dans l’inconscient collectif ?

Le mécénat est un acte libre, on l’a dit. Or, comme chacun sait, la liberté est toujours invitée mais jamais servie. L’acte du don, consenti par une ou plusieurs personnes, est un acte libre et indépendant qui peut parfois provoquer de l’inquiétude au sein du corps social. Cet acte contourne les prérogatives du politique, auquel sont délégués les choix dans notre système démocratique. Le mécénat peut donc parfois être ressenti comme un acte suspect d’égoïsme, d’égocentrisme, d’individualisme néfaste à la cohésion du groupe.

Le mécénat induit aussi, à travers l’argent, un rapport de dominant à dominé, de gratifiant à gratifié : celui qui donne a le pouvoir sur celui qui reçoit.

Le mécénat peut aussi avoir de relents de poujadisme : le mécénat intervient là où l’Etat est déficient. Le mécénat, individuel ou d’entreprise, remédie à l’incurie du plus grand nombre. Pire, le mécénat peut être consenti sous de petites, très petites formes. Il n’est pas nécessaire d’être patron d’une multinationale pour être mécène. En ce sens, le mécénat nous renvoie tous à notre propre égoïsme, ce qui rend le mécénat profondément haïssable.

Le mécénat peut opérer, en toute liberté, une discrimination dans les objets qu’il défend, là où la puissance publique applique une logique redistributive EN THEORIE égalitaire et universelle. Le mécénat agit là où ce système pèche ; à ce titre il est souvent dénonciateur de la partialité du système de la subvention.

Le mécénat d’entreprise est victime des a priori négatifs entourant le monde de l’entreprise ; ces images archaïques de l’entreprise déshumanisante, capitalisant le profit dans une lutte des classes à jamais irrésolue et toujours condamnable, constituent une zone de confort (suivant le principe du « tous dans le même sac »), un apaisement idéologique. L’entreprise est le siège du profit, la culture (ou autre forme d’activité non commerciale), le lieu du gratuit. Ce lieu commun est une forme d’obscurantisme qu’il est inconfortable, voire inconvenant, idéologiquement, de remettre en cause. Or, précisément, le mécénat dénonce cet a priori. Car force est de constater que l’entreprise a renouvelé son image et devient une communauté humaine sur laquelle le financement d’activités d’intérêt général peut désormais s’appuyer. De plus en plus de chefs d’entreprise envisagent le mécénat comme partie intégrante de la stratégie de l’entreprise instrument de reconnaissance, de communication et de valorisation de l’activité commerciale. De surcroît, l’intervention d’une entreprise à l’avantage d’une structure culturelle permet d’exonérer des charges qu’elle répercutait autrefois sur ses fréquentations. La politique récemment adoptée de gratuité des entrées dans les musées français, pour les jeunes de 15 à 25 ans, naît également de la pratique d’un mécénat d’entreprise qui éponge le coût structurel du fonctionnement de l’institution.

Les changements qui affectent le mécénat culturel en particulier.

En dehors des blocages politiques, philosophiques et anthropologiques évoqués ci-dessus, il y a aujourd’hui des facteurs nouveaux qui minent l’essence même du mécénat culturel : changements dans les acteurs, dans les secteurs et dans la nature du mécénat.

Les acteurs
Le premier changement est évidemment la crise financière, qui est aussi une crise des liquidités. Cette crise qui est d’abord une crise du crédit, met à mal les trésoreries des entreprises. Cette crise aggrave (ou est consécutive) d’autres facteurs de fragilisation de l’économie (la globalisation de l’économie, l’attrait des délocalisations massives provoquées par la concurrence des pays émergents, les investissements consentis dans la recherche, etc…)
Pas de bénéfice, pas de mécénat, pourrait-on résumer. Et cela va de soi.

Par ailleurs, la crise ayant affecté essentiellement les établissements financiers, traditionnellement et historiquement les plus actifs dans les opérations de mécénat culturel, cette crise perturbe un équilibre entre mécénat et culture, au profit de nouveaux acteurs du mécénat. La mort du banquier ressuscite ou donne vie aux autres mécènes. Il s’agit des entreprises de service (environnement, par exemple), de médias, ou d’industrie de pointe, telles les biotechnologies, la recherche appliquée, etc… Ces nouveaux venus ont d’autres centres d’intérêt que la culture. Le mécénat s’applique à d’autres secteurs. Alors que le public du banquier était aussi et surtout un amateur et un consommateur de culture, le couple « entreprises financières » / culture, a aujourd’hui vécu.

Les secteurs
Nous en venons donc aux nouveaux secteurs. Ceux-ci évoluent au fil du temps. En janvier 2006, la Fortis Foundation commanditait à l’institut IPSOS une enquête sur le mécénat en Belgique. Cette étude révèle que le mécénat de solidarité semble prendre une place de plus en plus importante parmi les préoccupations des entreprises. On peut se douter qu’avec la crise en cours et sans doute à venir, cette éligibilité sociale du mécénat sera toujours plus grandissante. Ce mécénat de solidarité intervient désormais pour 66%, devant la culture (52%), précédemment premier domaine dans l’ordre des secteurs soutenus par les entreprises. Le sport, l’environnement et la recherche recueillent respectivement 22, 19 et 11% des aides. Certaines entreprises favorisent l’action de mécénat « croisés » associant sport et intégration, par exemple. La politique de développement durable engendre, elle aussi, un regain d’intérêt pour le mécénat environnemental. La récente installation de la base polaire Elisabeth en est un bon exemple en Belgique.

La nature
La nature du mécénat change également. Si, dans le rapport IPSOS de 2006, les mécénats financiers occupaient 88% des contributions, le mécénat en nature (don de matériel, technologie, prête de locaux, espace média, etc…) ou le mécénat de compétence (mise à disposition de main d’œuvre ou de matière grise,…) se développent considérablement pour atteindre aujourd’hui 31%.
Cette multiplication des modes de mécénat et des secteurs indique également une volonté des entreprises d’inscrire le mécénat dans la stratégie long terme des entreprises, dans une perspective d’économie durable.

La transformation perceptible des acteurs, des secteurs et de la nature du mécénat mine incontestablement le mécénat culturel financier classique. Il faut donc innover, réinventer le mécénat culturel à la lumière de ces nouveaux changements, adapter sa logique financière à l’évolution du mécénat et, partant, de l’économie.
L’époque dorée d’un mécénat financier abondant est révolue ; c’est une évidence.

Le mécénat de compétence

Le mécénat de compétence consiste à mettre à disposition du personnel, sous forme de prestation de services ou de prêt de main d’oeuvres. Dans le premier cas, l’entreprise mécène s’engage à réaliser une tâche déterminée au profit du musée. Dans le second, elle met ses salariés à la disposition du musée.

Les contours de cette pratique récente sont assez flous et chaque entreprise l’adapte à ses desiderata: congé de solidarité permettant de laisser partir un employé pendant deux ans pour
une mission de restauration ou d’inventaire; opérations ponctuelles de quelques jours à quelques mois dans la mise en place d’une nouvelle technologie; constitution d’un réseau de compétences proposé au musée à raison de quelques heures par an et par salarié, etc…

Le cas du Groupe VINCI (concessions et constructions mondiales) dans la restauration de la Galerie des Glaces de Versailles montre à quel point un savoir-faire dans la restauration de patrimoine architectural peut trouver une application heureuse dans un des hauts lieux du patrimoine mondial et du tourisme culturel. 
Bouygues est, quant à lui, mécène du prestigieux Hôtel de la Marine, propriété de l'Etat, place de la Concorde à Paris. Ce mécénat de compétence, le plus important engagé dans la capitale, est évalué à 6,2 millions d'euros sur trois ans pour rénover ce bâtiment classé via la filiale Bouygues Construction. Avec ce type de collaboration, les chefs d'entreprise sont dans une relation gagnant-gagnant.
Le développement de nouvelles technologies sont parfois aussi à la base d’un mécénat culturel, et inversément. Ainsi l’exemple de la société Luc Doublet, PME éponyme de 300 salariés implantée près de Lille, devenue une référence mondiale du drapeau. Dans ce cas précis, le mécénat a donné la possibilité d'explorer de nouvelles pistes en matière de technologie, la relation artistique obligeant au dépassement. Cette société a ainsi réalisé des drapeaux qui changent de couleurs pour un artiste, elle a aidé un autre à mettre au point un logiciel permettant de superposer tous les drapeaux du monde, et elle a travaillé avec Buren pour imprimer des milliers de petits drapeaux avec une rayure de 8,7 centimètres. Ces innovations, qu'elles soient à l'initiative des entreprises comme des bénéficiaires, illustrent une évolution dans la perception des enjeux du mécénat. De même l'implication des salariés, en tant qu'élément motivant, est également une tendance qui s'affirme.
Chez nous le Groupe Suez, dont un quart du chiffre d'affaires est généré en Belgique, a offert un mécénat de compétence estimé à 4,5 millions d'euros aux Musées Royaux des Beaux- Arts de Belgique et à la Fondation Magritte, pour aménager l'Hôtel Altenloh à Bruxelles, qui accueillera un futur musée consacré au peintre. Dans ce lieu rénové par les filiales françaises et belges de Suez (Fabricom GTI, Inéo et Suez Consulting), le public découvrira en juin 2009 la plus importante collection Magritte au monde. Cette opération permet au groupe d'asseoir son image en Belgique et de disposer d'une vitrine internationale avec 650.000 visiteurs attendus chaque année.
Le Groupe Mac Kinsey offre son mécénat de compétences dans la réalisation d’audits de nombreux musées, dont un musée fédéral. La mise à disposition gratuite de sons savoir-faire permet de livrer au musée une étude poussée de ses carences, de ses besoins en management opérationnel et en ressources humaines.
Dans le domaine de la solidarité ou du développement, la Fondation SFR, qui agit en faveur de l'égalité des chances, s'appuie sur l'engagement individuel des salariés souhaitant parrainer un projet associatif. Le statut de « collaborateur citoyen » a fait l'objet d'un accord d'entreprise signé avec les partenaires sociaux : SFR attribue à ces collaborateurs 6 à 11 jours de congés par an afin qu'ils puissent se consacrer à leur association. Chez Accenture, où la moyenne d'âge est de 30 ans, le mécénat est un facteur d'attractivité auprès des jeunes cadres séduits par les valeurs humaines de l'entreprise.
Mais attention, le mécénat de compétence est bien un ménage à trois, il doit contenter non seulement le salarié, mais aussi l’entreprise et le bénéficiaire (associations, projets culturels…).
Le mécénat de compétence s'inscrit bien comme un engagement durable et partagé pour le bien commun, dans la stratégie des entreprises, et réfute l'accusation d'un « supplément d'âme » que s'achèteraient à bon compte les mécènes pour revaloriser leur image ternie par les délocalisations et les inégalités salariales croissantes.

Mécénat classique : choix d’opportunité

Ainsi, pour le financement structurel de l’outil que constitue le musée, le directeur de musée devra recourir à beaucoup d’inventivité pour faire intervenir un mécénat en nature ou en compétence. Le choix du partenaire est bien souvent dicté par la nature ou l’objet du travail.
Bel exemple, à Versailles encore, que celui des Montres Bréguet dans la restauration du Petit Trianon: correspondance de forme entre l’image d’une maison d’horlogerie fondée à l’époque Louis XVI et fournisseur de la Cour, et sa manifestation architecturale la plus caractéristique.

Les expositions temporaires devront respecter des budgets beaucoup plus raisonnables en intensifiant les partenariats favorisant ces nouveaux types de mécénats.
Le choix d’un thème d’exposition temporaire peut aussi influer sur la recherche de mécènes.
La qualité et la finesse de l’intervention d’une entreprise comme L’Oréal dans le mécénat d’une exposition consacrée à l’histoire de la beauté cosmétique à travers l’histoire de l’art est aussi une excellente illustration en cours au Musée de Cluny à Paris (exposition « Belle comme la Romaine »).

Une simple homonymie peut même être à la base du mécénat d’une exposition temporaire : ainsi une exposition consacrée au « Culte de Mithra au Nord de la Gaule » organisée au Grand Curtius à Liège en 2012, trouve un mécène auprès de MITHRA Pharmaceutical, entreprise pharmaceutique implantée à Liège et spécialisée dans l’innovation et la vente de médicaments destinés à la femme.

Que ce soit pour un mécénat en nature, de compétence ou un mécénat classique, les structures dirigeantes des musées en Belgique devront faire preuve d’une grande faculté d’adaptation, d’inventivité et d’innovation. Cela nécessite aussi que le dircteur-conservateur soit perméable au monde de l’entreprise, qu’il en saisisse les difficultés tout en sachant en pratiquer le langage, qu’il en comprenne le positionnement commercial, qu’il s’intéresse à la structure de son personnel. Le conservateur est devenu, lui aussi, un argument commercial pour son interlocuteur. A lui de se positionner pour attirer à lui l’attention des éventuels mécènes par une politique de médias adaptée à son propos scientifique.

Conclusions

Alors qu’aujourd’hui la crise financière a jeté un voile sombre sur le monde, le mécénat est fragilisé, certes, mais pourtant plus que jamais nécessaire. Nécessaire pour encourager l’initiative culturelle, et, sans doute aussi, moraliser l’économie. Le mécénat n’est plus un acte financier; il participe désormais d’une économie durable, améliorant le cadre de vie sociale, à long terme. Dans cette perspective, le mécénat, pour atteindre son but et s’adapter à la conjoncture économique, a également changé de visage. Il a pris la forme d’un mécénat non financier. Le bénéficiaire de ce mécénat se doit donc d’être très à l’écoute de ces changements en adaptant sa politique culturelle et muséale à ces changements.
Dans cette époque de grande crise économique et financière, il est absolument nécessaire que l’Etat libère les forces vives présentes chez l’entreprise ou le citoyen en concevant d’urgence un cadre fiscal attractif et souple destiné à intensifier le mécénat. Celui-ci ne peut plus se vivre sur un exercice fiscal. Le soutien aux opérateurs doit être inscrit dans le long terme.
Cette réforme fiscale devrait prendre deux formes :
-                          Pour les entreprises, le mécénat d’entreprise, en ce compris les mécénat en nature et de compétence, devrait profiter d’une augmentation du plafond de déductibilité des libéralités au taux de 10%, à concurrence de 5 pour mille du chiffre d’affaires, avec report des sommes déductibles qui excéderaient le plafond prévu. Il conviendrait de faciliter l’acquisition d’œuvres d’art par un mécanisme d’amortissement, ce qui permettrait la fuite de nos trésors à l’étranger.
-                          Pour le particulier, inciter le soutien à la culture par l’instauration d’un crédit d’impôt pour toute intervention faite au profit d’artistes professionnels (soumis à la TVA) ou au profit d’associations et entreprises soumises à l’impôt sur les personnes morales, tous reconnus et agréés par le Ministère des Finances.

Ces mesures devraient réellement être prises en compte par une nouvelle loi sur le mécénat en Belgique.


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